«
Silence ! SILENCE ! » L’Inquisiteur s’est levé, frappant la table du plat de la main pour dominer le brouhaha formé par la foule des Chasseurs d’Ombres en contrebas de l’estrade. Le silence revient lorsqu’une femme à l’allure grave se lève, sa main tendue devant elle comme pour réclamer l’attention, des runes argentées miroitant sur son manteau noir. «
En tant que Consul d’Idris » commence-t-elle en balayant l’assemblée des yeux, le regard comme un couteau de glace, «
je m’oppose à un quelconque conflit avec les Créatures Obscures. Nous ne pouvons pas nous le permettre » gronde Arabella Fairchild. Les protestations s’élèvent à nouveau, et elle doit crier pour se faire entendre. «
Il est impossible, INADMISSIBLE, que nous nous laissions détourner par un conflit en notre sein même. Car, mes amis » reprend la Consul d’une voix grave, «
il y a bien plus important maintenant. L’Ennemi est de retour… » Elle tire une longue flèche noire des plis de son manteau. A la hampe est accroché un seul mot, qu’elle lit à voix haute, forçant son ton à rester égal. «
Vigilatis. Prenez garde. » Les gens ont pâli, des murmures courent la salle. Et une voix dit tout haut ce que le reste pense tout bas. «
Il veut la guerre. » (
suite ?)
Intrigue actuelle
Dans le vaste manoir Fairchild, niché au sein des vallées d’Idris, la fête battait son plein. Des guirlandes lumineuses et de délicates fleurs colorées de vert à l’aide d’un ingénieux sort s’enroulaient autour des rambardes et balcons ornés d’ailes de fées en fer forgé, les sphères de pierre de sort illuminant la vaste cour et faisant danser les silhouettes des invités sur les murs de pierre rosée. Et quels invités ! Pas seulement des Chasseurs d’Ombres, leurs habits de soirée ne masquant rien de la posture clairement défensive de certains ; mais également des vampires, sortis de l’ombre à la faveur du crépuscule et ayant, par politesse, abandonné leurs assujettis ; des loups-garous se tenant tous ensemble, rassemblés en meutes et parfois en groupes plus petits, discutant entre eux plus que se mêlant à d’autres races ; des sorciers, certains exubérants, certains nettement plus silencieux ; et enfin le Petit Peuple, avec ses représentants plus ou moins humanoïdes. Si l’effet d’une telle audience dans une demeure qui avait toujours été un symbole pour les Nephilims, personne n’osait le commenter, ou du moins pas à haute et intelligible voix – pas lorsqu’Arabella passait entre eux, sa chevelure rousse lançant des reflets cuivrés à la lueur des chandeliers, et la traîne de sa longue robe sombre perlée d’étoiles cristallines effleurant le coûteux parquet derrière elle tandis qu’elle tournait de groupes en groupes, échangeant quelques mots, un sourire, même si son visage trahissait parfois, en une infime crispation de ses traits qui se relâchait plus vite qu’on n’eut pu la remarquer, de la nervosité.
Et être anxieuse était la moindre des choses, lorsqu’on entreprenait quelque chose comme ce qu’elle avait établi. Une réception pour l’ensemble du monde Obscur, et cela dans son manoir même, dans une bâtisse qui avait été érigée à la création d’Alicante et avait vu passer des siècles et des siècles d’histoire dans l’ombre de ses murs ! Certains appelaient son acte brave, voire audacieux mais nécessaire, mais l’opinion d’autres, tant au sein de son propre Conseil que parmi les Créatures Obscures, était bien plus négative – stupide, inconsciente, et même traîtresse avaient été des mots qu’on avait, avec de l’attention, pu entendre quelques jours avant la célébration. Mais tous étaient quand même venus, volontairement ou pas, et les différents groupes se dévisageaient avec méfiance sans que personne n’ose pousser la frontière jusqu’à ouvertement arborer des armes. Alors on laissait la tension monter, heure après heure. Mot après mot. Jusqu’à ce qu’enfin la piste de danse s’illumine, et qu’un geste de la maîtresse des lieux les invite à s’y lancer. Un premier couple s’avance, et on amorce la cadence.
C’est une belle illusion ; en fermant les yeux, on pourrait prétendre que c’est une célébration comme les autres, qu’un dix-sept novembre est véritablement un jour de paix. Que derrière la musique, les rires étouffés et les éclats que projettent les cristallins chandeliers, aucune ombre ne rôde, faisant battre plus vite même les cœurs des plus braves.
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